Un discours ! Un discours !


Parmi les attentes fréquemment exprimées par les couples, la participation de leurs proches à la cérémonie est souvent parmi les premières questions. C’est un sujet que je n’ai encore jamais abordé ici, alors qu’il occupe pourtant une grande partie du temps consacré à la préparation.

Pour la plupart, les mariés aimeraient entendre des discours personnels et la cérémonie laïque leur semble plus adaptée que la mairie ou l’église (ou autre). Ils se méfient aussi parfois des discours et des toasts pendant la soirée quand le champagne a déjà coulé à flots…

Depuis l’avènement des blogs de mariage dans les années 2010 et l’influence croissante d’une vision « américaine », cette attente s’est clairement accentuée, générant des attentes parfois surdimensionnées. Il faut se rendre à l’évidence car notre culture est différente, l’éducation américaine étant bien plus portée sur l’expression orale que la nôtre.

On ne peut pas demander à tous ses proches de se fondre dans ce modèle. En France, avant que le monde du mariage ne devienne en partie une industrie de l’idéalisation de soi sur Internet, le rôle traditionnel des témoins (par exemple) était de signer un registre et de porter un toast au début du repas. Le principe même de cérémonie laïque n’existait pas en France avant les années 2000, ne l’oublions pas. Votre référentiel n’est donc pas forcément celui de vos proches plus âgés ou peu concernés par l’univers du mariage. Certes, le caractère exceptionnel de l’évènement peut amener certains à se dépasser: il peut arriver que des personnes pudiques, très réservées, maladivement timides voire carrément taiseuses se révèlent ce jour-là mais il faut l’avouer, c’est quand même assez rare.

On ne peut pas changer la nature profonde des gens. Chacun exprime son implication, son affection, à sa façon. Pour certains cela passera plutôt par une contribution financière, une aide active à l’organisation ou la fabrication d’objets de décoration que par un discours. Je conseille souvent aux couples de ne pas en faire un enjeu. À plus forte raison si l'officiant engagé est en mesure de nourrir la cérémonie en apportant du contenu (gestes, textes, musique, rituels...)

Le rôle de l'officiant : encourager ET garder le contrôle

Ici je ne parlerai que des participations des proches, pour les discours et voeux des mariés c'est par ici...

Faire des cérémonies depuis 12 ans m’a appris la « juste mesure » : il est toujours souhaitable d’encourager, rassurer ou aider une personne qui a envie mais n’ose pas franchir le pas. Cela amène souvent de grandes satisfactions pour les mariés. Pousser, forcer, trop insister, ne sert à rien et ça n’aboutit pas à grand-chose d’intéressant. Je ne le fais jamais, certains couples le font, en sollicitant eux-mêmes leurs proches avec insistance, je le déconseille.

C’est d’ailleurs un peu délicat de demander pour soi-même sans se sentir vexé par un refus ou sans que la personne se sente forcée. Dans ce cas, le rôle d’intermédiaire de l’officiant prend toute sa valeur car il dépassionne les échanges en les rendant plus constructifs. Cela permet de sortir des raisonnements simplistes où les marié(e)s seraient tenté(e)s de comptabiliser les discours comme des preuves d’amour (selon des critères pas toujours partagés avec leurs proches).

En tant qu’officiante j’ai pris l’habitude de prendre contact uniquement par mail avec les proches car certaines personnes sont clairement stressées par l’appel d’une inconnue. Le mail permet de se présenter poliment et d’inviter à prendre contact tout en laissant la liberté aux personnes de répondre ou pas. Il y a toujours une date limite (environ 15 jours avant la cérémonie) car mon travail d’écriture ne peut réellement commencer que quand j’ai une idée assez précise des apports extérieurs. La façon dont la réponse est formulée donne un indice de ce qui peut être raisonnablement espéré et de la conduite à tenir pour avancer dans le bon sens…


Quelques exemples - vécus - de retours de proches

  • Pas de réponse du tout 😊. Le doute persiste alors sur la bonne réception du message. Pour éviter les malentendus, il y a obligation d’insister : « Avez-vous bien reçu mon message ? ». Réponse : « Oui mais je suis occupé ». Bon...

  • « Ok bien reçu ». Ou : « Bonjour, Merci de votre message. Signé : Mr Y ».

  • « Je ne participerai pas » Ou, un peu mieux : « Bonjour, Merci de votre message, Je ne participerai pas. Signé : Mr Y ». Bon, au moins c’est clair et personne ne perd son temps !

  • « Bonjour, Merci de votre message, Je ne participerai pas parce que je ne crois pas au mariage ». La réponse qu’on aimerait faire mais qu’on ne fait pas : « Heu, en l’occurrence ce sont principalement les mariés qui ont besoin d’y croire. Est-ce que cela vous empêche de dire un petit mot gentil ? »

  • « Bonjour, Merci de votre message, malheureusement je ne me sens pas capable de parler en public mais je suis sure que ça va être super ! » Ah, ça c’est une réponse qui entrouvre la porte avec bonne volonté, on adore et on s’empresse de fixer un RDV car on a un milliard de solutions à proposer !

  • « Bonjour, je réfléchis et je reviens vers vous ». Espérons que ce sera avant la date limite…

  • « Bonjour, Je ferai un discours ». Ça c’est le retour « Double Tranchant », car il va falloir expliquer que non, on ne passera pas le micro le jour J sans avoir eu le discours à l’avance. Certaines personnes le comprennent très bien, elles sont mêmes ravies d’avoir une relecture constructive et apprécient que leur intervention soit mise en valeur dans le déroulé général. Et puis il y a les autres…

  • « Madame, J’avais plein d’idées mais vous auriez pu me contacter avant, signé : Melle X »(ndla : on est alors 8 semaines avant la cérémonie). Là il faut soit laisser la personne bouder, soit supplier. Si on a reçu 0 interventions de proches on supplie, sinon on laisse bouder !

  • « Salut, J’ai plein d’idées ! Bisous ». Déjà, la personne n’a manifestement pas compris que l’on n’est pas une pote de la famille. Là généralement on a plus de nouvelles ou alors un message la veille du mariage, quand est sur l’autoroute. Le message commence dans le meilleur des cas par « J’espère qu’il n’est pas trop tard… ».
    C’est le cas que j’appellerais « épineux » car j’ai promis aux mariés de garantir la cohérence en gérant les choses à l’avance pour éviter les doublons, les longueurs, les grosses gaffes… Ils comptent sur moi. ! Donc, je m’arrête et j’appelle la personne.

    Option 1 : elle m’envoie son discours je relis. Je lui dis qu’elle sera la 4ème personne à faire la liste de tous les déménagements des mariés ou que certaines anecdotes à base de chaussettes sales et d’ex n’ont peut-être pas complètement leur place ici et qu’il faudrait peut-être modifier un peu.
    S’en suit : bonne volonté, mauvaise volonté de la personne… Trouver une imprimante en pleine nuit, réadapter le déroulé… bref, je ne vous fais pas de dessin.

    Option 2 : la personne répond de façon laconique qu’elle prendra le micro et c’est tout. Impossible d’en parler aux mariés la veille de leur mariage bien sur. Là, soit j’ai un.e allié.e de confiance (genre témoin) pour essayer de trouver une issue, soit c’est juste… com-pli-qué !

  • « Bonjour Madame, Je suis tellement heureux pour mon fils et ma future belle-fille. J’adorerais parler ou faire un geste symbolique (au nom de nous deux avec le papa), mais je ne sais pas ce qui pourrait convenir à l’ambiance de cette cérémonie. Mon fils n’a pas voulu me donner trop de détails. Peut-on en discuter ? Ma réponse : « Mais ouiiiiiii, tellement !!!! ».

Spéciale dédicace

À toutes les mamans timides, les gentils papas, les marraines créatives, les petites sœurs pas rancunières, les enfants qui aiment leurs parents même quand ils sont un peu ringards, les témoins pleins de bonne volonté… À chaque fois vous arrivez à me faites oublier tout le reste, Merci !


Signé : Aurélie pour L'ENLUMINEUR
Illustration originale : Matthieu Leveder